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On sait que le Paradis celtique était situé dans une île
que les vieux Gaulois appelaient l'Ile d'Avalon, séjour
délicieux où, dans un repos bien gagné, les guerriers, les
laboureurs, les princes, les bergers et les femmes, unis dans
une égalité complète, erraient sous des grands arbres, au
bord d'une mer toujours tranquille, devisant doucement, sans
trouble, sans larmes, dans un calme majestueux.
Les
Armoricains, bien plus païens qu'on ne le pense
généralement, croient que le séjour des âmes est de même
une île, située au delà de l'Océan, où, disent leurs
contes, on ne parvient qu'en marchant sur un fil ténu, jeté
sur les flots par une main invisible.
Or, non loin
du Pen ar Bed, le cap Finistère, le bout du monde, au milieu
des rochers noirs qui bordent la Baie des Trépassés, quand
vient le temps de la fête des morts, au mois sombre de
novembre, lorsque les vagues bondissantes couvrent le dur
granit de leur blanche écume et que, dans la nuit lugubre,
gémissent sur la falaise dentelée les mouettes rapides,
lançant au loin dans l'air leur cri strident, semblable aux
plaintes des êtres oubliés, le pêcheur entend frapper à sa
porte trois coups distincts. Il sort : qui donc oserait ne pas
répondre à cet appel ? Sa barque est là, accrochée au
rivage, il y monte, prend les rames et voyage toute la nuit
vers l'inconnu. Au départ, son navire, chargé à couler bas,
trace lentement son sillon, sur la crête des flots, il entend
les murmures de ceux qui ne sont plus, là près de lui,
remuant tous ses souvenirs, puis tout à coup le silence se
fait, la barque devient légère, dans la brume une terre a
paru, lumineuse et resplendissante, alors l'âme en repos, il
revient au logis. Son peuple, comme il dit "E Tud",
a passé la mer, il a vu abordé en paix les fantômes
enveloppés de leurs blancs linceuls, dans l'île Fortunée.
Conte de
vieilles femmes, tant que vous voudrez ; mais quelle
philosophie profonde dans cette fable consolante ! " (DUCLH)
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